Le théâtre comique de
Shakespeare traite, entre autre, de
l’essence même des passions sombres et de leurs conséquences, ce qui blesse la
personne de l’amour : l’amour n’arrivant jamais à sa perfection. Dans l’œuvre
« La Nuit des Rois » une attention particulière est mise
sur l’influence qu’a la femme en amour, l’homme devenant un pion se faisant inconsciemment ou
consciemment contrôler, par son amoureuse. Cette manipulation passe par le
billet des sentiments, qui par la suite, se concrétiseront en actes, en rapports qui s’en suivent.
De
prime abord, le pouvoir des femmes commence par les sentiments qu’elles
éprouvent, sentiments qui ont une place d’importance dans cette œuvre de
Shakespeare. Les relations et les rapports hommes femmes, qu’ils vivent au
quotidien, engendrent des sentiments autant chez les hommes que chez les femmes,
mais les femmes, elles, en tirent profit. Tandis que les hommes eux, se diminuent et idolâtrent les femmes comme si elles étaient des déesses. Que ces relations soient du passé ou du
présent, on peut les classer en deux catégories, celles qui prennent leur
origine dans l’esprit même du rêveur et celles qui sont déclenchées par la
réalité de la vie. Le Duc, suite à
la rencontre d’Olivia, décrit dans l’extrait suivant, son attachement à elle.
« (le Duc) O quand mes yeux se sont posés sur Olivia, j’ai cru la voir de
toute peste purger l’air! Hélas, au même instant j’étais changé en cerf et dès
lors les cruels limiers de mes désirs me traquent sans merci. » (p.37) Le
duc est, depuis cette rencontre, subjugué par ses rêves qu’il entretient sans
relâche dans sa tête, il s’est emprisonné dans sa rêverie. Dans cette rêverie, le Duc se rabaisse, il
se compare à un cerf, donc vraiment
pas l’égale d’Olivia. Évidemment, sa passion l’emporte sur sa raison, il
dit lui-même que depuis sa rencontre, la comtesse n’a pas quitté ses pensés. Cette
rêverie est déraisonnable, il idolâtre Olivia comme si elle était la reine de
la beauté et lui un rien à coté d’elle.
Le deuxième type de sentiment que l’on retrouve dans cette œuvre, ce
sont ceux reliés à la réalité. Olivia, s’attarde au passé, elle refuse de
passer à autres choses, suite à la mort de son frère et de son père, elle
s’enferme dans sa peine. Le Fou,
remarque son sentiment d’amour pour les morts qui l’attriste, qui la garde
attachée à ses défunts ce qui n’a aucun fondement raisonnable puisqu’ils sont
morts. « (Le Fou) D’autant plus folle êtes-vous, Madonna, de mener deuil
sur l’âme de votre frère qui est au ciel… » (p.85) Même si elle s’éternise
sur leurs malheureux sorts, elle ne pourra jamais les faire revivre. Son manque
de raison est tel qu’elle refusera tout contact visuel avec des hommes
puisqu’elle ne veut plus revivre cette situation. Cette réaction est
l’affirmation de son contrôle dans ses relations homme femme, auxquelles elle désire
mettre fin. Les sentiments vécus sont donc sous la direction de la femme.
D’ailleurs,
les femmes tirent profit des sentiments amoureux lorsqu’ils se traduisent dans la
réalité. Dans ces situations, l’homme devient un jouet dont la femme tire
profit. La supériorité des femmes favorise la manipulation de l’homme qui se
laisse manipuler. Ce maniement peut être originaire de la personne vers qui elle est visée,
ou une autre personne qui peut y avoir
des intérêts, mais qui n’est pas directement impliqué. Dans l’œuvre de
Shakespeare, Olivia, suite à la visite de Viola, réussira à le manier pour
qu’il revienne le lendemain. « (Olivia) Cette bague, quoi que j’en eusse;
(…) Si demain ce jeune homme veut passer par ici, je lui donnerai mes raisons.
Hâte-toi. » Suite à des émotions qu’elle éprouve, elle prend les rennes et
fait en sorte qu’elle puisse revoir l’homme que son cœur désire. Viola devient son jouet puisqu’il
entrera dans son jeu, il ira reporter la bague le jour suivant, comme s’il
s’agissait d’une erreur. Le motif de ses actions est clair, elle arrange les
évènements afin de pouvoir revoir l’être aimé. Elle dit clairement qu’elle a
ses raisons, ces raisons, on les connaît par la lecture des passages précédents,
elle a des sentiments pour lui. Olivia crée un contexte dans lequel Viola n’a
plus de choix, il se laisse manipuler. Le deuxième exemple, se lit lorsque Malvolio,
tombe immédiatement amoureux, suite à la réception d’une lettre écrite par
Maria qui prétend être Olivia. La lettre était claire, elle assurait l’amour
inconditionnel d’Olivia. Malvolio devient ainsi le jouet de Maria. En plus, elle
lui fait cette demande: « (Malvolio)
Si tu accueilles mon amour, fais-le paraître à ton sourire : sourire te
sied si bien! Ainsi donc, en ma présence, ne cesse pas de sourire »
(p.199) Malvolio s’y soumettra, puisque l’émotion qu’a suscitée cette lettre
lui donne envie de tout faire pour Olivia, ses sentiments seront tels qu’ils
deviendront des actes irréparables. Maria a donc réussi à manipuler Malvolio. Son sourire, il sera
invincible, l’objectif de Maria est atteint. La femme utilise donc ses
émotions, ainsi que ceux des hommes et les transforment comme elle le veut.
En
fin de compte, les moyens dominateurs que la femme utilise dans cette œuvre ne
sont aucunement musculaires, ils sont
plutôt d’ordre émotif, de façon à convaincre l’homme qui par la suite agit suivant
l’émotion qu’il ressent. La femme est donc la créatrice des émotions sans être
l’auteur des actes. Cet aspect contrôlant de la femme se retrouve-il dans la
vraie vie? Mais qu’en est-il du rôle que la femme joue dans les fréquentations?
N’est-il pas traditionnellement dit que c’est l’homme qui fait les premiers
pas? Dans l’œuvre de Shakespeare, ce n’est pas le cas, Olivia fait les premiers
pas avec Viola et Maria les fait
avec Malvolio.